Beaucoup de jeunes africains viennent en France et dans d’autres pays pour accomplir des études et acquérir une expertise que leur pays ne leur permettait pas d’acquérir.
Certains sont venus par des filières officielles telles que des bourses d’études, d’autres par des moyens personnels.
Dans beaucoup de cas, une fois le diplôme acquis, le retour au pays est difficile.
Comme disait l’un d’entre eux, rentrer sans avoir d’opportunité de travail, c’est une impasse. Je ne peux plus revenir en France pour continuer à me perfectionner.
L’examen d’autres intentions de retour laisse apparaître les mêmes difficultés sous des formes différentes ou similaires.
Plutôt que de risquer de se mettre dans une situation précaire, ces diplômés ne trouvent souvent pas d’autres solutions que d’accroître leur expertise par des études complémentaires, ou en trouvant des emplois qualifiants en France, au Canada, aux États-Unis, en Australie ou encore ailleurs.
Chercher un emploi depuis l’étranger est très difficile, il faut être sur place ou avoir les moyens de connaître les bonnes filières ou les bons réseaux. Mais même, pour des concours comme ceux de la fonction publique, il faut pouvoir se porter candidat comme les autres avec les risques de ne pas être reçu.
Revenir au pays implique aussi de pouvoir se réintégrer après une si longue absence. La détection des opportunités s’est émoussée, il y a perte de certains repères, les réflexes d’antan se sont affaiblis. La société a évolué, d’autres qui n’ont pas eu la possibilité de partir pour approfondir leurs savoirs, ont gardé leurs facultés de veille sans que cela soit nécessairement un atout pour eux.
Il se développe aussi une image assez négative de la valeur travail au Mali. Sous des formes différentes, on entend le même discours auprès d’un groupe qui rassemble des diplômés de haut niveau comme la Cellule pour le Développement du Mali. Ils relèvent par exemple des tendances au laisser-faire. L’obligation sociale excuse des absences et la culture d’entreprise est très éloignée des normes occidentales sinon inexistante.
Le chemin vers le pays est loin d’être un long fleuve tranquille et beaucoup de méandres ne cessent de mettre en évidence la solitude du candidat au retour.
Certes dans nos pays beaucoup d’initiatives d’accompagnement apparaissent sans qu’il n’y vraiment de résultats tangibles.
Il y a beaucoup de raisons à cela.
La crainte de l’échec sans possibilité de rattrapage, La méconnaissance du marché du travail. La difficulté d’avoir une relation pérenne avec l’environnement de l’emploi. La méconnaissance de soi et du « comment se mettre en valeur ? ». La difficulté d’avoir des données pertinentes et d’entretenir la veille sur l’environnement et sur l’écosystème.
Il y aussi le fait de se trouver devant un choix contraint. Vu d’ici, le projet professionnel se réduit à devenir promoteur. Dans un marché où l’emploi salarié est mal perçu, il ne reste souvent que la création d’entreprise comme seule alternative.
Il faut bien comprendre que le fait de vouloir créer une entreprise n’est pas un choix de métier, c’est un choix de vie. Ce n’est pas un choix qui se prend à la légère, mais après mûre réflexion sur sa situation personnelle et sa capacité à absorber les chocs énormes qui en découleront.
Et encore là, toutes les associations qui ont vocation d’accompagner les projets de développement en Afrique ou ailleurs se heurtent à un mur. Celui de la connaissance de l’impact local. Elles ont beaucoup de qualités pour aider les jeunes impétrants à acquérir une connaissance basique des paramètres de la création d’entreprise, elles manquent par contre des ressources nécessaires pour crédibiliser le projet dans son réel environnement.
Pour une raison toute simple. Il n’y a pas de correspondant sur place ou du moins il n’existe pas de filière d’appui, digne de confiance, sur le terrain pour recueillir des informations et pour en garantir la fiabilité.
Et si le candidat promoteur ne peut pas se rendre sur place pour recueillir les informations nécessaires à la faisabilité de son projet. Il va tourner en rond et épuiser ses ressources personnelles.
Enfin, il faut cesser de s’abreuver à l’hypermédiatisation de la start-up.
Cette alternative est mal évaluée et les motivations du futur promoteur sont parfois inadaptées aux dimensions réelles du projet. Par excès de romantisme, par ignorance de toute la nécessaire gestation de l’idée vers sa réalisation.
Par confusion et immaturité, l’énorme effort personnel que nécessite la création d’entreprise est parasité et flouté.
Le discours officiel encense la start-up, l’incubateur, et oublie d’évoquer le moyen terme. Il ne faut pas seulement faire saliver mais aussi faire grandir.
Je vous renvoie à une chronique de Marc Bertonèche parue dans Les Echos dont le titre parle de lui-même; « Beaucoup de « start », peu de « up »
Je pense que tous les efforts d’accompagnement qu’on pourra prodiguer pour soutenir les candidats au retour ne trouveront une réelle chance de réussite que s’il existe ce que je vais appeler des cellules d’intégration.
Il faut assurer un relais entre la diaspora et le pays. Il faut pouvoir offrir un lieu d’accueil, une organisation, un système, une communauté qui offre à tous ceux qui ont un projet à bâtir, professionnel ou autre de se ressourcer.
Cette cellule permettrait d’assurer le recueil des informations sur l’évolution des faits de sociétés, des faits économiques et politiques, recenserait les données de l’écosystème, ses forces et ses faiblesses. Ferait un état des lieux du milieu entrepreneurial et social pour savoir à quels problèmes ils sont confrontés et quels besoins ils veulent satisfaire.
Une cellule qui permettrait d’aider les maliens chercheurs d’emploi, à évaluer leur potentiel et à apprendre à prouver leurs compétences et développer une nouvelle valeur travail.
Faire de cette cellule un lieu d’échange d’informations et d’émergence d’une culture de travail, de connaissance de soi. Un lieu de maturation d’une décision vocationnelle.
A titre d’exemple, quelques actions qui pourrait guider la réflexion.
Identifier les besoins de développement local et durable en allant à la rencontre des communautés qui estiment vouloir changer leur cadre de vie. Comprendre ce qui existe et ce qui manque dans leur environnement.
Définir quelles actions à mettre en place pour que les bénéficiaires deviennent autonomes par le travail, la formation, l’accompagnement, etc.
Bien identifier les clients, c’est-à-dire ceux qui acceptent ces services et ces nouvelles valeurs. Savoir quels sont leurs besoins, leurs forces, leurs aspirations. Quels sont les problèmes qui les préoccupent, principalement au niveau du personnel ?
Définir quelles sont les solutions originales qui peuvent être apportées aux problèmes, tant des clients que des bénéficiaires, ou autrement dit quelle valeur ajoutée peut être apportée.
Pouvoir travailler avec un réseau franco-malien (à dominante vivant au pays), recenser les personnes potentielles avec qui travailler, trouver des partenaires. C’est la réussite collective qui est importante.