Parmi les défis que les pays africains doivent résoudre, le plus important est de rendre leur croissance plus égalitaire et plus équilibrée. Celle-ci doit chercher à combiner l’efficience économique avec les problèmes d’équité et de justice sociale.
Il faut combattre toutes les formes de précarités et de pauvretés qui forment l’ordinaire de l’Afrique et alimentent par ignorance le terreau de la violence.
Cette pauvreté et cette précarité qui font partie d’un paysage invisible à beaucoup.
Prenons le cas du Mali.
Ce pays, comme les autres, doit faire face à une pression démographique qui ne trouve pas de débouchés ni dans la croissance des zones urbaines ni dans les mouvements migratoires des campagnes vers les villes.
Cette urbanisation ne s’accompagne pas d’une industrialisation suffisante pour absorber les besoins des flux migratoires.
L’économie malienne reste très dépendante des ressources minières et du résultat des campagnes agricoles. L’agriculture représente 39 % du PIB sur la période 2006-2010. La part de l’économie rurale est d’ailleurs passée à 40,7 % en 2014. Il faut ajouter que ces parts de PIB restent très soumises à des facteurs extérieurs, comme la pluviosité et les cours des matières premières. Sans compter la fragilité sécuritaire.
Le Mali possède des gisements de croissance mais dont le développement est mal exploité dans une vision trop limitée sans véritable dimension territoriale ni sociale.
Il existe beaucoup de projets et d’initiatives qui essaient de répondre aux différentes problématiques sans qu’il n’y ait vraiment de volonté fédératrice.
Le développement régional à partir de la mise en valeur des communautés locales devrait être une constante de réflexion économique. Elle devrait pouvoir améliorer les zones de précarité et de pauvreté par des initiatives de valorisation et d’incubation technique, économique et sociale.
Déjà on y trouve plusieurs grands thèmes qui sont l’accès à l’électricité, à l’eau potable, à l’assainissement, la santé, la scolarité, une gestion rurale plus intégrée et plus soucieuse de partage des intérêts sociétaux et communautaires.
Sans oublier les apports de la modernité technologique en la mettant au service des acteurs pour contribuer à assurer toutes les obligations de transition énergétique, sanitaire, rurale, urbaine nécessaires.
Il faut développer une « économie qui rassemble à la fois par la résolution de problèmes d’intérêt général, un souci de pérennité et de viabilité économique et un niveau de risque plus élevé que l’économie classique. »
Toute entreprise doit être mise au service d’un projet d’intérêt général en cherchant à résoudre une problématique sociétale.
Il faut entreprendre autrement, concilier efficacité économique et finalité sociale, engager seul ou à plusieurs des projets qui mobilisent le collectif, dans un cadre lucratif limité, pratiquer une gestion démocratique, favoriser la participation des membres et des usagers.
Il faut engager tous les acteurs d’une communauté dans une démarche d’incubation de développement en rassemblant acteurs du terrain et porteurs de technologies dans un processus où ils pourront créer ensemble et répondre à des problèmes concrets.
« La cocréation repose sur l’idée qu’il ne s’agit pas de juxtaposer les divers apports des uns et des autres, mais de les combiner pour inventer des activités et des logiques d’action inédites. Ce processus de cocréation repose nécessairement sur un climat de confiance et de bienveillance entre les acteurs et demande une attention particulière portée aux modalités d’écoute, de dialogue et d’échange. »
Emmanuel Faber et Jay Naidoo
Il faut pouvoir faire converger les diversités des moyens et des compétences pour permettre l’émergence de solutions qui seront issues d’une coalition d’acteurs.
Il faudra aussi songer à élargir les modèles pour qu’ils puissent bénéficier au bien commun de tous et mettre en place pour chaque piste d’innovation des systèmes de maillage qui permettent d’en assurer la diffusion et en renforcer le développement.
Il faut aussi sortir d’une logique académique qui fait prévaloir l’enseignement universitaire au seul profit de ceux qui peuvent s’y inscrire.
Le Mali possède des diplômés de haute volée. C’est leur valeur ajoutée dans le développement du pays. Mais comme certains le préconisent, il ne faut pas les orienter dans un cocon universitaire où ils ne pourraient pas se confronter aux réalités sociales, économiques et techniques du pays.
Il ne faut pas les destiner à une congélation improductive ni en faire des « intellectuels », comme la France en produit tellement. Ce serait les rendre inadapté de les mettre dans le vase clos de l’université ou de la bureaucratie.
Ce sont des jeunes pousses qui ne demandent qu’à grandir, évoluer et participer à la construction du pays.
Ils ont un vécu qui ne demande qu’à s’enrichir. Mais pas dans la solitude, ou dans l’exil.
Mais dans des lieux où
- ils peuvent mettre en commun leur vécu, leurs expériences et renforcer leur fonction d’utilité professionnelle pour la partager avec ceux qui représentent le cœur, le sang et les tripes du Mali.
- ils peuvent se former et s’adapter aux réalités culturelles et sociales du travail au pays.
- ils peuvent rencontrer d’autres inquiétudes, d’autres détresses, d’autres volontés, d’autres qualités et en particulier celles de moins nantis qui sont au cœur du développement.
- ils peuvent mettre leur jeune expertise au service du bien commun pour inventer une économie plus adaptée qui participe effectivement à la valeur ajoutée du pays.
- toutes les générations seraient acceptées pour remodeler le présent à l’image d’un avenir espéré.
C’est mettre en place une Djoliba Valley.
Créer des foyers d’incubation d’une culture alliant tradition et modernité. Instaurer une dynamique de l’emploi sur le terreau national. Favoriser la création collective et assistée d’entreprises. Ne pas négliger ni le secteur informel, ni le secteur formel.
Avec tous les acteurs du développement inclusif.
En veillant surtout à ne pas en faire une initiative solitaire sans accompagnement. Un suivi rigoureux, balisé par des objectifs et un tableau de bord rigoureux, mené par une institution crédible, bannissant tout esprit bureaucratique, et toute pensée retorse.
Un lieu où ces universitaires venus du Mali et d’ailleurs seraient hébergés comme dans un sas de décompression pendant une période déterminée.
Ils auraient pour mission de comprendre et de voir les réalités du terrain, de construire avec tous les acteurs des idées innovantes, de prendre à bras le corps toutes les opportunités, de mettre en commun leurs idées, d’être ouverts aux initiatives et de pouvoir apporter leur pierre à l’édifice du développement du Mali.
A la suite de ce parcours initiatique, ils pourraient ensuite passer à une phase plus personnelle et privée de leur carrière, en mettant en œuvre un projet professionnel qui soit issu de leur expérience. Ce devrait même aussi être une obligation d’être dans le cadre d’un contrat à durée déterminée. La variété et la temporalité enrichissent la réflexion et l’action.
Très bel article, Jean-Claude, qui devrait être décliné non seulement au niveau du Mali mais pour la CEDAO et même pour la CEA.
La Djoliba Valley pourrait être localisée au Mali mais servir de phare pour la communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDAO) mais aussi pour la Commission économique pour l’Afrique des Nations Unies (CEA).
Ton article est un véritable manifeste pour une croissance plus égalitaire et plus équilibrée en Afrique qui combine l’efficience économique avec les problèmes d’équité et de justice sociale.
Il faut que ce document soit relayé au plus haut niveau par les acteurs concernés avec le support des Organisations internationales
comme la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement.
Cela ne peut pas rester une rêverie de senior solidaire!!
Amitiés
Hubert
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