Ernesto Sirolli a travaillé comme conseiller dans des projets de coopération en Afrique mais aussi sur d’autres continents.
Il s’est particulièrement intéressé au développement économique et à la création d’entreprise. Il a créé l’Institut Sirolli, qui mène une action dans le domaine de la création d’entreprises à vocation sociale.
Dans cette causerie prononcée aux « Ted Talk« , Ernesto Sirolli, tout en cultivant l’autodérision et l’ironie, met l’accent sur des principes fondamentaux de la problématique de l’aide et du développement (vous en trouverez ici la traduction française).
Il y a d’abord celui de la genèse de certains projets de développement.
Des incompréhensions peuvent naître à partir d’une approche trop intellectuelle des besoins des populations concernées par un projet et le travail d’identification risque souvent de mettre en évidence l’arbre qui cache la forêt.
Il y a l’exemple des hippopotames, cité par Sirolli.
Regardez comme c’est facile l’agriculture.» Quand les tomates étaient bien mûres et rouges, pendant la nuit, quelque 200 hippopotames sont sortis de la rivière et ils ont tout mangé…
Les Zambiens ont dit, «Oui, c’est pour ça qu’on n’a pas d’agriculture ici.»
« Pourquoi vous ne nous l’avez pas dit ? » « Vous n’avez jamais posé la question. »
Dans l’identification d’un projet de déforestation à Madagascar, des paysans, interrogés par l’autorité du projet, avaient exprimé l’impérative nécessité d’avoir des chèvres. Besoin incompatible avec l’objet du projet. Des chèvres, cela mange de la verdure. Ils ont reçu des poules, qu’ils ont vendu pour acheter des chèvres.
Il y en a d’autres comme ce projet de laiterie qui a vu le jour, sans lendemains, parce qu’on avait omis de prendre en compte les variables constance et disponibilité de fourrage pour les vaches laitières dans un pays soumis à un climat sahélien.
Bref développer un projet, ce n’est pas en assurer la mort parce que le grandiose a phagocyté le concret, parce que on a oublié de poser les bonnes questions et même de poser des questions aux gens directement intéressés.
La référence au livre de Schumacher
J’ai reçu une claque dans la figure en lisant un livre, « Small is Beautiful, » par Schumacher, qui a dit, ce qui prime dans le développement économique, si les gens ne veulent pas qu’on les aide, laissez-les tranquille. Ce devrait être le premier principe de l’aide. Le premier principe de l’aide c’est le respect.
Il y a bien des années, j’ai eu cette idée : Pourquoi, pour une fois, au lieu d’arriver dans une communauté pour dire aux gens quoi faire, pourquoi, pour une fois, ne pas les écouter ?
Il cite le livre de E.F. Schumacher, « Small is Beautiful, Une Société à la mesure de l’homme », qui bien que paru en 1973, reste toujours d’actualité.
L’auteur y dénonce la surconsommation et la surexploitation du capital naturel offert par notre environnement et défend une économie durable, une « technologie à visage humain », d’autres formes d’organisation industrielle et sociale, un style de vie conçu sur la pérennité.
Voici un extrait du chapitre « le problème de la production, pp 20 et 21 » :
« Notre système industriel … vit sur un capital irremplaçable qu’il considère allègrement comme un revenu … les ressources fossiles, les marges de tolérance de la nature et la substance humaine.
Nous devons bien comprendre le problème et envisager l’éventualité d’un nouveau style de vie, avec de nouvelles méthode de production et de nouvelles habitudes de consommation : un style de vie conçu pour durer en permanence.
Nous ne donnerons que trois exemples préliminaires.
En agriculture et en horticulture, nous pouvons nous consacrer à la mise au point de méthodes de production biologiquement saines, améliorer la fertilité des sols et produire santé, beauté et pérennité.
Dans le domaine de l’industrie, nous pouvons nous pencher sur l’évolution de la technologie à petite échelle, …, « technologie à visage humain ». Ainsi les ouvriers pourraient-ils tirer plaisir de leur travail au lieu de ne travailler que pour leur paie et de n’attendre – d’une façon désespérée – de satisfaction que de leurs seules heures de loisir.
Dans le domaine de l’industrie encore, nous pouvons nous intéresser à de nouvelles formes d’association entre dirigeants et ouvriers, même à des formes de copropriété. »
Enfin page 175, sur le développement :
« La nouvelle façon de penser l’aide et le développement, nouvelle optique nécessaire, diffèrera de l’ancienne en ce qu’elle prendra au sérieux la pauvreté.
On s’intéressera aux hommes, d’un point de vue strictement pratique. Pourquoi se soucier des hommes ? Parce qu’ils sont la première et l’ultime source de toute richesse. Si on les oublie, si de prétendus experts et des planificateurs arbitraires les manipulent, alors, rien ne peut jamais donner de vrai fruit. »
Enfin, le dernier point de la causerie de Sirolli que je retiens, c’est que :
La création d’entreprise est un travail collectif
« Et puis il faut leur dire la vérité sur l’entrepreneuriat. La plus petite entreprise ou l’entreprise la plus grande doit être capable de faire trois choses admirablement : Le produit que vous voulez vendre doit être fantastique, vous devez avoir un marketing fantastique, et vous devez avoir une gestion financière formidable. Devinez quoi ? Nous n’avons jamais rencontré un seul être humain dans le monde qui puisse fabriquer un produit, le vendre et s’occuper de l’argent aussi. Ça n’existe pas. Cette personne n’est jamais née. Nous avons fait les recherches, et nous avons examiné les 100 entreprises emblématiques du monde — Carnegie, Westinghouse, Edison, Ford, y compris toutes les entreprises nouvelles comme Google, Yahoo. Toutes les sociétés qui réussissent dans le monde n’ont qu’une seule chose en commun, une seule chose : Aucune n’ait été lancée par une seule personne. »